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Esprit Critique
20 avril 2015

Je viens - Emmanuelle Bayamack-Tam

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Je viens - Emmanuelle Bayamack-Tam
Publié le 1er Janvier 2015 aux Editions P.O.L

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 Moyenne

Je viens commence très fort puisque à peine la deuxième page entamée, le lecteur se retrouve déjà embarquer au sein d’un improbable entretien durant lequel des parents adoptifs essaye de refourguer leur fille adoptive au foyer de l’aide sociale qui leur avait confié, cela au motif que celle-ci serait devenue trop noire et trop grosse, alors qu’elle était pâle et maigrichonne lorsqu’on leur avait donnée. Mais le sort s’acharnant décidément sur Gladys et Régis, ces pauvres parents dupés, aucune de leurs calomnies outrageuses ne leur permettra de se débarrasser de Charonne, cette petite fille incoiffable qu’ils seront donc obliger de ramener avec eux à la maison. Quelques lignes suffises à comprendre que cette maison n’est pas n’importe qu’elle maison, mais qu’il s’agit en effet d’une riche propriété avec tout son lot de domestiques qui va devenir le théâtre d’un véritable Vaudeville puisque Gladys et Régis se trouvent être nuls autres que la fille et le fils respectifs de Nelly, une ancienne gloire du cinéma, et de Charlie, second époux de Nelly dénué de la moindre personnalité. 

Le décor planté, Emmanuelle Bayamack-Tam se sert alors du regard tristement lucide mais malgré tout rieur de Charronne pour nous servir une virulente, mais décalée, critique du racisme, du conformisme, du rejet de la différence, de l’égocentrisme, de la soif insatiable d’attentions, du désir de possession, de l’hypocrite haute prétention de soit, et de la transmission héréditaire des erreurs, qui sont malheureusement des caractéristiques fondamentales de nôtre société.  

De ce fait, c’est vraiment le personnage de Charonne qui donne tout son intérêt au livre. Charonne qui malgré son jeune âge et malgré le fait d’avoir pour seul ami un fantôme héroïnomane féru de lecture, un poisson rouge, et une plante grimpante, se révèle le talent de tout observer, tout analyser, et de toujours taper juste, notamment lorsqu’elle réalise le constat que derrière les plaisanteries racistes et homophobes des amis de son grand-père, se cache une totale absence de joie. «  Leurs rires graillonnent, leurs prunelles flamboient, mais c’est sans joie. Ils ont remplacé la joie par cette connivence maligne qui se déchaine à nos dépens.» ou lorsque elle nous explique « que la plupart des gens meurent d’être exaucés dans leurs vœux ineptes de stabilité, de confort et de sécurité. »

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Palais Longchamp de Marseille, principal terrain de jeu de Charrone

Comme le montre les quelques passages reproduit ici, Je viens est vraiment très bien écrit et certains passages se révèlent particulièrement remarquables. Cependant, dès que le personnage de Charonne s’éloigne un instant, la lecture devient tout à coup beaucoup moins intéressante. Le récit de l’ancienne vie sexuelle de Nelly ou les jérémiades de la perpétuellement insatisfaite Gladys pourront même sembler ennuyant.

Au final, si Je viens est incontestablement à lire pour son côté acide et humoristique, on regrettera qu’il nous laisse quand même sur une pointe de déception, notamment en ne levant pas l’ambigüité sur le cas Charonne dont on se demande si au final, elle n’est pas en train de tourner aussi mal que ses parents et grands-parents.  C’est effectivement à regret que l’on constate que le livre se termine sans jamais dépeindre autre chose qu’une vision, certes extrêmement réaliste, mais aussi très sombre et sans aucun contrepoint positif du monde actuel. A étudier si les livres précédents d’Emmanuelle Bayamack-Tam dont Charonne est aussi l’héroïne apportent une lumière différente à cela…

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